Interviews
Le 20/12/2023

Julien KURTZ – Directeur du Festival « Amateurs Virtuoses »

paris-moscou.com a pu s’entretenir avec Julien Kurtz pour évoquer le Festival des Amateurs Virtuoses.

P.M. La dernière édition en date des Amateurs virtuoses s’est déroulée à Bayreuth :  le concert de clôture à l’Opéra des Margraves, en présence de Dmitry Shishkin, a remporté un très grand succès  : cette superbe salle classée au Patrimoine mondial, est un vrai bijou : de plus l’acoustique y est excellente.

J.K. Ce n’est pas une salle gigantesque (quelques 500 places quand même) et nous avons rempli la salle au point de devoir refuser du monde à l’entrée, ce  qui représente un réel succès dans une ville ou la musique est certes respectée et révérée mais où notre Festival  n’a bien sûr pas la notoriété du festival Wagner .!

P.M.. Vous avez organisé 4 journées de festival à Bayreuth, tous les concerts et masterclasses avaient-ils lieu dans cette salle ? ?

J.K. Non, juste le dernier dans cette salle où nous disposions de deux magnifiques pianos Steingraeber. Le concert d’ouverture avait lieu à la Villa Wahnfried (la maison de Wagner) et les autres concerts dans la fabrique de pianos Steingraeber.

P.M. Votre contact avec la musique s’est établi très tôt : vous avez commencé le piano dès 5 ans,  vos parents étaient musiciens?

J.K. Non, pas du tout.

P.M. Mais vos parents étaient des mélomanes avertis ?

J.K. Non plus, ils portaient un intérêt réel à la musique mais n’ayant jamais eu la chance d’être initiés véritablement, ils avaient des connaissances assez limitées en musique classique : ma mère éprouvait une passion  pour la musique mais elle était était issue d’un milieu très modeste et ne possédait que deux disques quand elle était jeune : Tchaïkovsky et Rachmaninoff joués par.Cziffra.

P.M. Un bon choix ! Mais quelle a été la motivation pour vous faire étudier le piano ?

J.K. Nous habitions à la campagne, mes frères étaient plus âgés que moi et ma mère recherchait une activité qui m’occuperait.

P.M. Elle aurait pu vous proposer une autre activité que la musique malgré tout ?

J.K. Nous avions la chance d’avoir une très bonne  pianiste et excellente pédagogue qui habitait dans un village situé à quelques kilomètres du notre et qui était amie de ma mère: c’était Catherine Silie, (elle est décédée il y a deux ans et nous lui avons rendu hommage il n’y a pas longtemps.)

P.M. On peut dire que c’est un heureux concours de circonstances : vous avez été bon élève et pendant combien de temps?

J.K. Oui, ça me plaisait : j’ai bénéficié de  son enseignement pendant une dizaine d’années, j’ai continué jusqu’à l’adolescence (avec une interruption d’une année), , puis j ‘ai repris.

P.M. Et à ce moment là, vous aviez un bon niveau ?

J.K. Oui, j’avais un niveau correct qui me permettait de passer des concours.

P.M. Et vous n’avez pas été tenté par une carrière de pianiste ?

J.K. Bien sûr sûr la question s’est posée : c’était une vraie une tentation, renforcée par l’idéalisation qu’on peut se faire de la carrière de pianiste à l’adolescence. J’ai cependant choisi de suivre cet excellent conseil de François-René Duchâble, rencontré lors d’un stage de piano en cette période charnière de réflexion sur mes choix professionnels : tout comme ma professeure Catherine Silie, il m’a convaincu qu’il ne fallait pas laisser passer la chance de faire des études si mon niveau scolaire et les conditions le permettaient, quitte à continuer le piano en amateur très éclairé. Un choix de raison difficile à entendre à 17 ans, mais avec le recul et une meilleure connaissance du monde professionnel du piano, sans doute le meilleur conseil que l’on m’ait donné à l’époque ! Il m’a fallu attendre des années pour réaliser combien la vie de concertiste est contraignante, férocement concurrentielle, impliquant déplacements incessants, absences et pression permanente. Aucun regret et grand respect pour celles et ceux qui ont choisi cette carrière malgré tous ces immenses défis.

P.M. Les Amateurs Virtuoses ont donc constitué une bonne alternative ?

J.K.  Oui,  suis très content de pouvoir donner des concerts à mon rythme sans obligations ni contraintes, sans être sous pression: : cela me satisfait pleinement.
La plupart des pianistes amateurs virtuoses se sont d’ailleurs posé la même question à un moment ou un autre et ont finalement choisi de garder le piano comme un loisir de très haut niveau.

P.M. Des associations d’amateurs existaient-elles et depuis  combien de temps avez-vous fondé le Festival?

J.K. Des groupements de pianistes amateurs ont pratiquement toujours existé, mais il n’y avait pas de « Festival »  proprement dit :  c’est précisément ce qui m’a motivé, aux côtés de mon associé Dominique Xardel, à fonder le festival il y a 15 ans maintenant.
Au fil des années le Festival a grandi et pris une belle envergure : un Festival de pianistes qui jouent sans rivalité, pour le seul partage avec le public, et qui s’est produit dans beaucoup de villes au-delà de nos frontières.

P.M. Ce qui est tout à fait étonnant c’est le haut niveau de ces pianistes qui occupent  tous des postes à très grande  responsabilité : comment font-ils pour entretenir leur niveau alors que leur travail absorbe leur temps?

J.K. C’est une question d’organisation : ils doivent se ménager des plages de temps libre, au besoin se lever plus tôt. Toute passion poursuivie à haut niveau implique de la part de ceux qui s’y adonnent un investissement conséquent : il faut alors composer avec ses contraintes d’emploi du temps pour faire fructifier chaque moment de liberté, au besoin se lever plus tôt. Tous ceux qui aiment quelque chose s’y investissent en y consacrant du temps que ce soit dans le domaine de l’invention, du sport ou autre. . Au fil des années le Festival a grandi et pris une belle envergure : un Festival de pianistes qui jouent sans rivalité, pour le seul partage avec le public, et qui s’est produit dans beaucoup de villes au-delà de nos frontières.

P.M. Il est vrai qu’il y a des gens qui se lèvent tôt pour aller faire un jogging !!
Comment se fait la sélection des participants au Festival?

J.K. . Les participants sont sélectionnés parmi les finalistes de concours internationaux pour pianistes amateurs. Je suis par ailleurs membre du jury du concours international de Maisons-Laffitte depuis plus de 10 ans, ce qui me permet aussi de détecter de nouveaux talents en section Adultes amateurs. Au fil du temps, la notoriété du Festival s’est développée et je reçois des sollicitations de tous les coins du monde (y compris de la part de professionnels !) Contrairement à ce que son nom pourrait suggérer, le festival collabore aussi étroitement avec les professionnels parmi les plus renommés pour permettre un point de rencontre entre pianistes professionnels et amateurs et inciter ces derniers à se perfectionner continuellement à travers des masterclasses et concerts partagés.  Nombreux sont les maîtres invités qui nous ont confié avoir également beaucoup appris au contact des Amateurs virtuoses, témoignant du fait que les échanges entre des mondes ordinairement cloisonnés peuvent s’avérer fructueux pour toutes les parties prenantes.

P.M. Vous avez eu plusieurs pianistes russes qui ont assuré des Master-classes (I. Scheps, R. ShereshevskayaL.Berlinskaya/Ancelle, D. Shishkin),  cela a permis à l’auditoire présent de mieux cerner ce que l’on définit comme la  célèbre « école russe » et d’enrichir la palette pianistique des Amateurs Virtuoses qui en ont bénéficié.
Gardez-vous le contact avec les  précédents maîtres invités  ?

J.K. Oui, je suis en contact régulier avec beaucoup d’entre eux.

P.M. La musique est vraiment un lien très fort entre les générations et les différents pays .
Envisagez-vous d’organiser un concert avec le top des Amateurs des Festivals précédents?

J.K. Tout est possible bien sûr, mais nous ne sommes pas un concours et préférons éviter de commencer à hiérarchiser les pianistes de notre troupe : tous sont d’un niveau extraordinaire, et dotés de leurs personnalités propres. Nous essayons de les réunir aussi souvent que possible pour des soirées exceptionnelles !

P.M. Souhaitons donc que cela se poursuive !

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