Interviews
Le 18/05/2018

ILJA SCHEPS – Pianiste et professeur

A l’occasion des masterclass qui se sont déroulées dans le cadre du 10ème Festival des Amateurs Virtuoses paris-moscou.com a pu s’entretenir avec Ilja Scheps  :

P.M. Etes-vous déjà venu à Paris ?

I.S. En tant que touriste, oui, mais c’est la première fois que je viens pour les masterclass.

P.M. Est-ce qu’en Allemagne ou en Russie, il y a des Festivals similaires ?

I.S. Oui, il y a des enthousiastes qui jouent et qui sont actifs mais ce n’est pas du même niveau que le Festival des Virtuoses Amateurs : son envergure et son très haut niveau le rendent tout à fait unique.
En Russie cela correspond d’avantage à un projet professionnel. Il y a eu des concours de pianistes amateurs en Allemagne et des candidats sont venus de Saint-Pétersbourg.

P.M. Lors de la masterclass de ce jour, vous avez beaucoup insisté sur la position des mains et des bras c’est à dire la souplesse du poignet, la décontraction des coudes et des épaules et même la manière de poser les phalangettes sur les touches : il en résulte une sonorité ample riche et durable, et votre démonstration était plus que probante! Est-ce un des particularités de ce qu’on appelle l’école russe ?

I.S. Une sonorité chantante est certainement une des grandes problématiques que traite l’école russe de piano, instrument très difficile pour cette raison et pour beaucoup d’autres !!
Chaque tradition pianistique comporte des choses très importantes et c’est pour cela qu’il faut beaucoup écouter différents interprètes représentant des écoles différentes : viennoise, française etc… Il s’agit d’une sorte d’échange par imprégnation qui est intéressant pour l’enrichissement d’un l’interprète dans sa conception d’une oeuvre.

P.M. Il est vrai que plusieurs pianistes russes qui se produisent très souvent en France ont mis un certain temps avant d’inclure Ravel dans leur programme. Il fallait un temps pour cette imprégnation de  l’école française probablement.

I.S. C’est pour cela qu’il est important d’écouter les grands pianistes qui représentent bien leur école : on peut citer Brendel pour l’école viennoise, Sokolov pour l’école russe etc…

P.M. Vous vivez actuellement en Allemagne mais vous êtes né en Russie ?

I.S. Je suis né au sud dans une ville située sur la mer d’Azov, mais je suis allé à Moscou pour étudier au Conservatoire. J’étais d’ailleurs dans la même classe que Rena Shereshevskaya, qui est bien connue en France puis qu’elle y enseigne maintenant depuis de nombreuses années.

P.M. Vous donnez des masterclass en Allemagne ?

I.S. Pas uniquement, je continue de donner des concerts et je fais beaucoup de tournées
en Asie : en Corée, Japon, Indonésie…

P.M. L’enseignement n’est donc pas une sorte de reconversion pour vous ?

I.S. Non, j’ai toujours aimé transmettre, et j’ai commencé dès l’âge se 15 ans! Je trouve que
c’est très enrichissant , non seulement de transmettre mais à la lumière de certaines difficultés éprouvées par les élèves et souvent par leurs questionnements, on est amené à réfléchir et à se poser des questions aussi sur certaines choses qu’on n’avait pas approfondi ou pas suffisamment pris en compte, des aspects qui n’étaient pas apparus de manière évidente etc. et c’est très enrichissant. Je fais également souvent partie du jury dans des concours .

P.M. Les concours sont devenus un maintenant une sorte de passage obligé pour les jeunes pianistes professionnels.

I.S. On peut dire cela. Il y en a quelques uns qui ne font pas ce parcours mais il sont rares.
Il y a du bon et du mauvais dans ces concours de haut niveau : le jugement est très subjectif.
Un sportif gagne par ce que le chronomètre prouve qu’il a fait le meilleur temps :
cette mesure ne s’applique pas aux musiciens : tout dépend de la manière dont le jury va réagir à une interprétation : c’est pour cela que souvent le jeune pianiste opte pour une interprétation qui tient du milieu : ne pas aller trop dans un sens ni dans l’autre pour plaire à la majorité des membres du jury, cela l’empêche de montrer sa véritable individualité.

P.M. On peut dire que c’est ce qui est épargné aux pianistes amateurs dans une certaine mesure mais il peut toujours rester le trac de l’apparition en public!

I.S. Arriver à le maitriser fait partie l’apprentissage!

P.M. Nul doute que les heureux candidats de  vos masterclass lors de ce Festival vont tirer grand profit de vos conseils et de vos indications, cela a tout de suite été évident lorsqu’ils reprenaient un passage à la lumière de ce vous leur aviez montré et paris-moscou.com vous remercie d’avoir consacré quelques instants pour répondre à ces questions.