Interviews
Le 10/06/2002

FRANCOISE-ANNE RAMPAL

P.M : Cette année le Festival de Colmar a choisi de rendre hommage à Jean-Pierre Rampal et paris-moscou a rencontré Françoise-Anne Rampal, son épouse,  pour lui poser quelques questions.
A quel âge J.P.Rampal
a-t-il commencé à étudier la flûte ?

F.R : Il a commencé vers 14 ans, sans penser à faire une carrière de musicien, simplement parce que son père qui était flûtiste enseignait et au Conservatoire de Musique de Marseille et lui avait proposé de suivre ses classes.
Ensuite, en 1941 il a commence des études de médecine , sans pour autant, abandonner l’étude de la flûte pour son propre plaisir. La guerre étant survenue, il se rendit à Paris en espérant ainsi échapper à l’enrôlement au travail obligatoire en Allemagne.
Tout en poursuivant ses études de Médecine, il entra au Conservatoire de Paris dans la classe de Gaston Crunelle et en sortit un an après avec le 1er Prix.Il commença à jouer à la radio, très écoutée à cette époque, puisque la télévision n’existait pas encore et le succès remporté par ses interprétations fut tel qu’il décida d’abandonner la médecine pour se consacrer à la musique.
P.M : Le Festival de Colmar a reconstitué le célèbre Trio Pasquier, pour un soir de concert. A quelle époque J.P.Rampal a-t-il commencé a jouer avec eux ?
F.R : Le premier enregistrement eut lieu en 1946, maintenant ce sont les enfants qui reprennent la flamme.Puis ce fut la rencontre avec Veyron-Lacroix, le premier concert à la Salle Gaveau en 1949 et les premiers enregistrements microsillons qui débutèrent ainsi une exceptionnelle carrière discographique en parallèle avec sa carrière de concertiste.

P.M : Ses tournées furent très nombreuses, a-t-il été en Russie ?

F.R : Il passait à peu près huit mois de l’année en tournées principalement aux Etats-Unis et au Japon , il n’est allé en Russie que deux fois et il y a beaucoup apprécié la chaleur du public.

P.M : L’accompagniez-vous lors de ses tournées?

F.R : Très souvent, nous avons ainsi parcouru le monde, en avion et en bateau, sur le Mermoz, le Renaissance lors des croisières musicales.
Il avait une faculté rare de pouvoir se reposer et dormir dans l’avion ce qui lui permettait d’être en forme à l’arrivée et de pouvoir donner un concert le soir même.
Il y eut une fois un mémorable incident : le bagage contenant ses deux flûtes fut volé à l’arrivée à Los Angeles d’où il se rendait à Boston pour un concert. Ce vol revêtit une importance quasi nationale par le fait que et la radio et la télévision en parlèrent continuellement. A Boston, Haynes – le plus grand fabricant américain de flûtes lui en proposa une qui venait juste d’être achevée, le concert pouvait donc avoir lieu, et au dernier moment on apprit que le bagage était retrouvé, avec ses deux flûtes, n’y manquait que…. le rasoir !

P.M : Justement, quels étaient les instruments sur lesquels jouait J-P.Rampal ?

F.R : En 1948 un antiquaire lui proposa une flûte ancienne. L’ayant examinée J.P. Rampal se rendit compte que c’était une flûte du XIXème siècle, du célèbre Lot, en la frottant un peu, il vit qu’elle était non pas en argent mais en or ! C’était la première flûte en or, l’unique du genre réalisée par Lot ! J-P Rampal l’acheta et il utilisa cet instrument mythique pendant dix ans. Ensuite il utilisa des flûtes américaines plus adaptées à des concerts en grandes salles.Dans toute sa carrière il n’eut que 4 ou 5 flûtes.

P.M. : Jean-Pierre Rampal a-t-il laissé une « école » , a-t-il transmis son style à ses élèves ?

F.R : Certainement, il y a actuellement beaucoup de flutistes chez qui on retrouve son jeu qu’il leur enseigna lorsqu’il était professeur au C.N.S.M.jusqu’en 1981..

P.M : Sans pour autant que soit égalée sa sonorité si personnelle.

F.R : Il est certain qu’il avait une sonorité unique qui provenait de ce qu’il était en union parfaite avec son instrument, en jouer lui était très naturel, il ne restait pas des heures et des heures à jouer les traits difficiles, les répétitions et les concerts lui suffisaient. Il aimait donner des Master Classes et s’intéressait beaucoup au Concours qui porte son nom. Le prochain est prévu en 2004.

P.M : Parmi les très nombreuses distinctions queJ-P. Rampal  reçut quelle est la plus originale ?

F.R : C’est sans nul doute, l’Ordre du Trésor Sacré Rayon d’Or en Sautoir qui lui fut décerné au Japon !! D’ailleurs il y a une île à une heure et demi d’avion de Tokyo, où une très belle salle de concert a été construite et porte son nom et une statue le représentant a été érigée dans le jardin où ses disques sont en permanence diffusés pour le plus grand plaisir des promeneurs.

P.M : Quels furent les musiciens qui lui dédièrent leurs oeuvres ?

F.R. : Il y en eut de très nombreux tels Poulenc, Jolivet. K.Penderecki lui a dédié son concerto – ce fut la dernière oeuvre écrite pour lui. Il décida, avec l’assentiment de Khatchatourian, de faire la transcription pour flûte de son concerto pour violon.
Le résultat l’enthousiasma tant cette oeuvre se prêtait à la flûte, mais c’est un morceau de très grande virtuosité.

P.M : Quel était son compositeur favori?

F.R : Mozart était sans nul doute le compositeur avec lequel il était en osmose totale et qu’il ne considérait pas comme un musicien « aimable » comme certain le font. Il a joué avec les chefs les plus prestigieux , il aimait particulièrement L.Bernstein, Z.Mehta et Osawa. Son expérience en tant que flûtiste à l’Opéra de Paris et en tant que chef d’orchestre de chambre lui conférait des qualités supplémentaires dans ses interprétations avec orchestre.

P.M : Pouvez-vous nous décrire un concert mémorable ?

F.R. : Je pense au concert donné en l’honneur de ses 70 ans au Carnegie Hall avec Isaac Stern et Mstislav Rostropovitch avec lesquels il avait une merveilleuse complicité musicale.
Jackie Kennedy fut présente au banquet qui suivit ce concert.

P.M. : Vous êtes vous rencontrés avec votre mari à la faveur de la musique ?

F.R. : J’étais élève de Lily Laskine mais je ne suis pas devenue harpiste professionnelle, lorsque j’ai rencontré J-P. Rampal il était déjà soliste et je n’étais qu’élève. La musique fait partie de notre famille puisque notre fils est luthier.

P.M. : Quel était le plus grand compliment que l’on pouvait faire à J-P. Rampal ?

F.R: C’était certainement de lui dire qu’il était un grand musicien, plus qu’un grand flutiste.