Interviews
Le 14/08/2016

ANNA VINNITSKAYA – pianiste

Lors du Festival des Piano Folies au Touquet, Anna Vinnitskaïa a donné un récital a l’issue duquel paris-moscou.com a pu la rencontrer pour lui poser quelques questions:

P.M. Actuellement vous habitez Hambourg, mais vous n’y êtes pas née ?

A.V. Non, je suis née à Novorossiisk, sur la Mer Noire.

P.M. Vous faites partie d’une famille de musiciens ?

A.V. Oui, sur plusieurs générations, mon grand père était chef d’orchestre principal de l’Opéra de Odessa, un de mes oncles était violoniste, il avait eu le 3ème prix au concours Tchaïkovsky.

P.M. C’est donc au sein de votre famille que vous avez commencé à apprendre le piano ?

A.V. Oui, ma grand-mère m’a appris à lire les notes, puis lorsque j’ai eu 6 ans c’est ma mère qui m’a donné des leçons de piano, que je pratiquais sans grand enthousiasme : comme tous les enfants je préférais jouer, m’amuser, par contre j’aimais beaucoup sortir en scène, jouer en public dès mon enfance.

P.M. A quel âge avez-vous commencé à jouer en public ?

A.V. J’ai joué avec orchestre à l’âge de 8 ans et vers 9 ans j’ai déjà joué avec orchestre une oeuvre avec plusieurs mouvements. Ce n’est que vers l’âge de 12 ans que j’ai vraiment réalisé combien le travail était nécessaire das le processus de préparation d’un morceau. Mes parents m’ont aidé en m’expliquant les particularités d’une partition et peu à peu j’ai acquis ma propre compréhension de la musique et l’approche différent selon le style et l’époque de la composition.

P.M. En Russie  vous avez toujours étudié à Novorossiisk ?

A.V. Non, lorsque j’ai eu 13 ans toute la famille a déménagé à Rostov-sur-le-Don (une ville où d’ailleurs je ne me plaisais pas !) pour que je prenne des cours avec le professeur Serguei Ossipenko et lorsque j’ai eu 18 ans, je suis allée à Hambourg étudier avec Evgueni Korolev
qui est un élève de Neuhaus et de Youdina.
Son enseignement ne porte pas seulement sur l’instrument : il cherche à développer chez ses élèves la perception artistique dans toutes les disciplines de l’art. En Russie
Koroliov réunissait chez lui les fins esprits de différents domaines (Pasternak était un des habitués) il possède une connaissance quasi encyclopédique. Il peut aussi bien vous conseiller d’aller voir un film que de lire tel ou tel ouvrage dans le but d’élargir la perception et la compréhension de l’art : il est pour moi, un mentor , un ami, un père et quasiment une idole. Sa manière d’être est un exemple, il élargit la compréhension de la musique et la relation élève-professeur est tout à fait différente de ce qui se pratique en Allemagne où, lorsqu’on confie un enfant à un professeur, il donne la leçon et puis « au revoir » et il n’y a pas de prolongement. Les oeuvres littéraires aussi bien que celle d’autres formes de l’art enrichissent et élargissent la compréhension d’une oeuvre musicale en rendant proche  tout ce qui constitue le contexte de sa création.

P.M. En fait on peut dire que c’est cette approche qui caractérise l’école russe. Vous enseignez également à Hambourg ?

A.V. Oui, j’enseigne le piano depuis 7 ans dans une école qui est l’équivalent d’un Conservatoire de musique.

P.M. Combien d’élèves avez-vous ?

A.V. J’ai 8 élèves et cela est suffisant.

P.M. Ils sont d’un niveau supérieur ?

A.V. Oui, certains sont encore étudiants de bon niveau mais d’autres sont plus indépendants et peuvent déjà se produire.

P.M. Vous menez donc à la fois une carrière de pédagogue et de soliste, vous donnez beaucoup de concerts à l’étranger ?

A.V. J’ai joué en Allemagne, aux Etats-Unis, à Hong-Kong, au Japon où le public est très respectueux vis à vis de l’artiste, l’auditoire écoute avec une extrême attention, c’est très agréable.

P.M. Avez-vous joué en France ?

A.V. Non, pas tellement, j’ai participé au Festival de la Roque d’Anthéron, la coque qui a été créée assure une très bonne acoustique, et cela me plait beaucoup de jouer dans la nature c’est très intéressant et cela me procure beaucoup de satisfaction.

P.M. Deux dernières question :  que  considérez-vous le plus important lorsque vous sortez en scène et quel compositeur considérez-vous comme étant parmi les plus importants ?

A.V. Je pense que ce qui compte c’est de pouvoir toucher la corder sensible du public : qu’il emporte à la sortie du concert quelque chose qui lui reste comme impression intérieure.
Je considère Bach comme un compositeur à la base de la musique, c’est lui qui a posé les premières pierres de l’édifice musical et sans lui il n’y aurait probablement pas eu Beethoven et tous les autres…

P.M.Vous avez deux enfants, souhaitez-vous qu’ils embrassent aussi la carrière musicale ?

A.V. Non, cela demande trop d’implication et de sacrifices, je ne les pousserai pas dans cette voie !

P.M. Il ne nous reste plus qu’à souhaiter de vous entendre d’avantage en France…