Interviews
Le 27/11/2006

ANDREI KRAVTCHOUK

PM : L’idée du Film  » L’Italien  » vous est venue à la lecture d’un fait divers similaire ?

AK :Au début de l’an 2000 lorsque la situation en Russie était très compliquée, il y avait beaucoup d’enfants des rues qui lavaient les voitures, vendaient des journaux et gagnaient ainsi leur vie et je voulais faire un film sur ce monde des enfants, quelque chose dans le genre de David Copperfield, j’ai parlé de cette idée à des amis mais le scénariste n’arrivait pas a écrire quelque chose qui me convenait, ensuite le décorateur m’a raconté ce fait divers concernant un petit garçon de six ans qui avait appris par lui-même à lire et écrire pour retrouver sa mère en s’enfuyant de l’orphelinat et qui est arrivé à ses fins.
L’histoire me paraissait convenir pour le cinéma : simple avec un caractère fort, il suffisait de rajouter des épisodes et des rôles secondaires.

PM : Vous avez dit que les enfants qui apparaissent dans votre film ne sont pas des acteurs et viennent de l’orphelinat.Comment avez-vous choisi le petit garçon qui joue le rôle principal dans « L’Italien  » ?

A.K : Il a été choisi assez rapidement, le décorateur me l’a amené ; il avait déjà participé à un court métrage mais en fait on ne voyait pas grand chose il (il se levait et partait) on ne pouvait rien déterminer mais le décorateur pensait qu’il pouvait convenir.
Il a une famille, il a une maman mais son père ne vit pas avec eux, il a un beau-père. Après les essais il s’est avéré qu’il était très renfermé et que ça n’allait pas, j’ai vu d’autres enfants mais celui-ci possédait une sorte de charme et avait quelque chose dans les yeux qui disait qu’il était quand même le meilleur.
Nous avons commencé le tournage et pendant les 15 premiers jours je n’étais pas sûr qu’il puisse y arriver. Finalement nous avons commencé à travailler mais c’était très difficile. Il a presque neuf ans, mais il est très petit de taille il pouvait donc interpréter un enfant plus jeune. Il est de Saint-Pétersbourg. Lors du tournage le travail lui paraissait être plutôt un fardeau, il fallait l’y traîner, après, quand le film a été présenté dans des festivals et qu’il a eu du succès, c’était un peu différent pour lui.
Vous avez dit que les enfants qui apparaissent dans votre film ne sont pas des acteurs et viennent de l’orphelinat. Comment avez vous choisi le petit garçon qui joue le rôle principal dans « l’Italien »?

PM : Tous les autres enfants viennent de l’orphelinat ?

A.K : Tous sauf deux jeunes filles, la brune ne vient pas de l’orphelinat et la seconde est sans parents, elle vit chez une tante de manière indépendante.

PM : Etait-ce aussi difficile de travailler avec les autres enfants ?

A.K : Oui, ce n’est pas aisé de travailler avec les enfants. Il y avait des enfants un peu plus grands, avec eux la difficulté était qu’ils pouvaient disparaître, je leur ai expliqué que c’est pour le cinéma, que c’est sérieux, qu’ils ne doivent pas disparaître, ni se battre, que leur travail est rémunéré et ils ont compris cela et ont travaillé avec nous comme des acteurs.

PM : Tous les adultes n’étaient pas non plus des acteurs professionnels ?

A.K : Non, il n’y a que quelques acteurs professionnels le chauffeur par exemple est un policier.

PM : Combien de temps a duré la préparation du film ?

A.K : Nous avons commencé en décembre, en mars il y a eu une expédition pour faire quelques prises , nous avons préparé la suite jusqu’à la mi-mai puis il y a eu le tournage proprement dit, le tout a duré près d’un an. La sonorisation a aussi été difficile a réaliser.

PM : L’orphelinat tel qu’on le voit est-il réel ou est-ce une reconstitution ?

A.K : Il était difficile de filmer tout dans l’orphelinat car cela perturbait la vie des enfants qui ont des horaires établis, nous avons reconstitué la chambre à coucher et les couloirs.

PM : Actuellement peut-on, comme ce couple d ‘italiens, arriver et « acheter » en quelque sorte un enfant ?

A.K : J’ai préparé ce film très sérieusement et j’ai rencontré une femme qui a servi pour le personnage de  » l’intermédiaire ». Il y a des agences qui aident les parents étrangers à trouver un enfant à adopter prenant en charge la finalisation de tous les documents. Pour les européens et américains les pays prioritaires pour l’adoption sont la Russie et la Chine.
Dans les autres pays la mère biologique a des droits et peut reprendre son enfant si elle prouve qu’elle a retrouvé le droit chemin. En Russie la procédure d’adoption passe par un jugement ; si un enfant a été adopté par des étrangers il ne peut plus être rendu, c’est pour cela qu’un grand pourcentage d’adoptions en Europe et Amérique provient de Russie et de Chine. L’intermédiaire présente des photos d’enfants d’orphelinats et les familles qui sont sur une liste d’attente font leur choix , puis il y a en tout 2 ou 3 rencontres qui sont organisées avec l’enfant. c’est toute une procédure qui côute beaucoup d’argent ; l’étape suivante consiste à rassembler tous les documents pour le jugement, ce qui est aussi le travail de l’agence.

PM : Comment sont organisés les orphelinats en Russie?

A.K : Il y a deux types de maisons : le « dietsky dom » qui est un orphelinat pour les enfants dont les parents ont été privés de leurs droits et le « priout » qui est une sorte de havre temporaire pour les enfants dont les parents sont indignes et avec lesquels ils ne peuvent plus vivre mais qui pour certaines raisons n’ont pas été privés de leurs droits.Ces enfant sont généralement plus grands.

PM : Depuis quand le film « l’Italien » est-il projeté en Russie ?

A.K : Il a été montré à Moscou fin septembre, le 1er novembre c’était la première à St-Pétersbourg . Le film a également été montré au Festival de Berlin où il a remporté le Premier Prix. Actuellement il est présenté à divers festivals et il vient d’être sélectionné pour être présenté aux Oscars en tant que film étranger.

PM : L’Italien sera-t-il projeté dans les salles françaises ?

A.K : Il y a eu quelques contacts mais ce n’est pas moi qui m’occupe de ce type de contrats.

PM : L’Italien a été votre premier long métrage. Avez-vous des projets pour un autre film ?

A.K : Je travaille à la préparation de mon prochain film qui sera tout à fait différent ; c’est un projet historique concernant un personnage réel à savoir l’amiral Koltchak.
Ce sera un long métrage et il y aura aussi un film pour la TV russe. Cela fait déjà 7 mois que nous nous consacrons à la préparation en rassemblant les documents, les chroniques, photos et en sélectionnant les acteurs.
C’est un projet très complexe, l’amiral Koltchak, ce n’est pas seulement la guerre civile, il s’est illustré dans la recherche dans le grand nord, par ses travaux scientifiques, il a constitué une flotte, héros de Port-Arthur et plus jeune vice-amiral commandant une flotte il a aussi inventé les brise glaces, c’était un savant un chercheur : si la guerre civile n’avait pas eu lieu il aurait été un héros national, de plus il y a aussi une très grande histoire d’amour.
A ce jour l’amiral Koltchak n’a pas été réhabilité (il a été fusillé comme « ennemi du peuple ») mais l’île qui portait son nom l’a retrouvé (pendant la période soviétique elle avait été débaptisée) un monument a été érigé en son honneur à Irkoutsk et une une plaque mémoriale a été inaugurée à Saint-Pétersbourg. C’est une personnalité très intéressante qui doit tout à son seul mérite et son histoire très tragique donne matière à un film.

PM : Nous espérons donc voir prochainement ce film et vous félicitons avec le succès de  » l’Italien » qui vient d’être primé au XIIIème Festival du film russe à Honfleur.